Je (ne) me souviens (plus trop)

Aujourd'hui, l'Internet est coupé (je ne suis donc pas en train de publier ce texte et vous n'êtes pas en train de le lire), le téléphone aussi : c'est la panne.

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Tiens, parlant de panne, ça me rappelle le verglas d'il y a 13 ans! Cet épisode de troubles météorologiques – manifestation précoce des changements climatiques? – avait passablement ébranlé le confort de nos modes de vie en privant, au plus fort de l'hiver, des communautés entières de leur principale source de chauffage et de soutien ménager pendant des semaines. Sans parler des conditions de circulation! On se souviendra qu'il était pratiquement impossible de se déplacer en transports routiers. Paralysée du fait d'une dépendance énergétique profonde, notre société de consommation s'était pour ainsi dire arrêtée en plein milieu de sa course effrénée pour le progrès, dans sa vaste entreprise de création de richesse.

Alors que ç'aurait pu être la fin de l'histoire, dans le noir, dans le froid et dans le besoin, les gens se sont organisés solidairement et de manière coopérative pour passer au travers de la crise. Ce faisant, ils ont vécu collectivement l'expérience d'une vie rude mais conviviale, radicalement différente de la vie facile mais froide dans le monde compétitif et utilitariste qu'on connaît. Le temps de remettre en place pylônes et lignes et hop! le développement est reparti comme si de rien était. Tout ceci n'a donc été qu'une parenthèse, vite effacée dans la mémoire collective.

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La panne est finie : mon introduction est maintenant périmée, anachronique. Avec tout ça, j'en oublie où je voulais en venir en partant... C'est quand même vexant de perdre le fil quand on a une idée en tête!

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Quand tout va si vite, on finit toujours par en perdre des bouts. C'est que la mémoire, qu'elle soit physique ou virtuelle, a ses limites ; et tous ses supports sont faillibles. Il y a dans notre quotidien tant d'information à traiter qu'on ne sait plus où la classer, ni comment s'en servir! Ainsi le processus de croissance globale infinie est non seulement en train de miner l'environnement matériel dans lequel nous évoluons, mais il est aussi en voie de remplir notre espace mental d'une masse de connaissances en expansion perpétuelle dont nous ne savons trop que faire.

Or, ce n'est pas forcément si on en sait le plus qu'on sait le mieux. On peut avoir les connaissances théoriques et les capacités pratiques de faire de grandes choses, ça ne veut pas dire qu'on saura bien les faire, ni qu'elles seront bonnes : « Il faut dire que la science et la technique, c’est très puissant et ça peut faire plein de choses, mais ça dépend de qu’est-ce qu’on décide d’en faire. La science en elle-même ne guérira rien du tout, elle peut même être utilisée pour détériorer encore plus. » (Hubert Reeves en entrevue à l'émission en avril 2011.)

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C'est drôle, je ne me souviens plus trop de ce que je voulais dire dans cet éditorial. La mémoire est une chose bien mystérieuse...

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