Il était une foi...

Dieu sait que s'il y a bien un sujet délicat, c'est celui de la foi. Or, que l'on soit religieux ou laïque, agnostique ou athée, on doit bien placer sa confiance quelque part! Que l'on soit dogmatique ou libre-d'esprit, on porte (consciemment ou non) des convictions et des croyances sur lesquelles on fonde une compréhension du monde et de ce qu'on est venu y faire, individuellement et collectivement. Ces conceptions ne peuvent pas se construire uniquement sur notre rationalité, car celle-ci ne nous permet d'appréhender qu'une partie du réel, pas sa totalité. D'où l'importance d'ouvrir notre esprit à une forme de réflexion qui fait place à ce qui dépasse et transcende le rationnel.

Là où la démarche scientifique (principal véhicule de la pensée rationnelle) nous propose de décrire et d'expliquer l'Univers en termes de données, d'observations et d'hypothèses, la quête spirituelle (dont l'art est la forme primaire d'expression) nous invite à se raconter et à se représenter le Cosmos en termes de mythes, de légendes et de symboles. Ce sont deux registres de questionnement différents qui nous offrent des perspectives à la fois contradictoires et complémentaires sur la réalité. Il serait vain d'analyser cette divergence de point de vue sous le prisme d'un débat aussi caricatural que stérile entre un rationalisme scientiste et un spiritualisme mystique. Plutôt que de tomber dans ces extrêmes, il vaudrait mieux considérer qu'il s'agit de regards distincts portés sur deux aspects bien différents de notre monde étonnant et fascinant : son fonctionnement, d'une part, et sa raison d'être, de l'autre.

La science peut apporter sur l'Univers tout l'éclairage qu'elle le voudra (ou qu'elle le pourra), elle ne fera jamais que démontrer comment il est ce qu'il est. Quant à savoir quel est le sens de la création du monde (s'il tant est qu'il y en ait un), il restera toujours une part de mystère, quelque chose d'indéfinissable qui n'est pas du ressort de l'analyse mécaniste. C'est à la métaphysique qu'il appartient d'aller au-delà de l'objectivité matérialiste du monde pour en interpréter la subjectivité téléologique et chercher à en traduire l'essence. Peu importe, au fond, que l'on conclue ou non à l'existence d'un Dieu immanent ou transcendant pour exprimer notre conception de la vérité sur laquelle s'appuie notre rapport au réel. La quête spirituelle ne consiste pas tant à trouver une signification définitive et univoque à l'existence qu'à repousser, dans une démarche autonome d'émancipation de l'esprit, les limites de la conscience et de la connaissance en faisant appel à l'intuition plutôt qu'à la raison.

D'ailleurs, c'est précisément lorsque qu'une religion, c'est-à-dire un système de croyances spirituelles établi et formalisé autour de rites particuliers, tente de rationaliser sa vérité et d'y conformer le monde de gré ou de force, quand la spiritualité se fond dans l'idéologie qu'elle devient un phénomène politique potentiellement meurtrier. On l'a bien vu : des croisades médiévales au Djihad moderne, la foi n'a pas fait que soulever des montagnes, elle a aussi creusé bien des tombes!

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