Le comportement scandaleux du matricule
728 n'est pas anecdotique. Il est un exemple parfait de la culture
d'abus de pouvoir et d'impunité qui règne dans les rangs de la
police de Montréal. Stéphanie Trudeau est en quelque sorte
l'exception qui confirme la règle : on s'excuse publiquement de
son excès de zèle et on suspend sur-le-champs. Il y a fort à
parier que si l'affaire n'avait pas été aussi largement médiatisée,
Stéphanie Trudeau patrouillerait toujours, armée d'un fusil chargé
en plus de son légendaire poivre de Cayenne.
On comprend les relationnistes de la police de vouloir limiter les dégâts. L'image du plus important
corps policier municipal du Québec est déjà peu reluisante.
Pensons à la répression brutale contre des protestataires
durant la grève étudiante de 2012.
Encore récemment, certains journalistes des médias de masse, généralement plus ou moins complaisants envers
les autorités policières, ont été intimidés et violentés
gratuitement.
Évoquons le profilage politique et
social que trahissent les fouilles et arrestations arbitraires ou les
stratégies de « guet des activités des mouvements marginaux
et anarchistes ». Ceci sans parler des arrestations de masse
dans les manifestations qui sont monnaie courante au SPVM, et ce
malgré une dénonciation de cette pratique par le comité de droits
de l'homme de l'ONU en 2005.
Rappelons que depuis moins de deux ans,
trois personnes sont mortes et au mois une a été blessée par balle
lors d'interventions policières qui ont mal tourné. Le rapport du coroner sur la mort de Mario Hamel et Patrick Limoges soulignait
d'ailleurs que, bien que les agents du SPVM soient impliqués dans la
majorité des fusillades au Québec, leur taux de qualification au
maniement de l'arme à feu est très faible.
« En effet, écrit le Dr Brochu,
leur taux de qualification est passé d'environ 98 % au début
des années 2000 à 43 et 56 % pour les deux dernières années
de la décennie. » À peine un policier sur deux est qualifié
au tir, mais « la non-qualification au tir ne semble pas
générer de conséquence sur le plan interne », ajoute le
coroner.
Avec raison, la formation policière
est souvent pointée du doigt comme étant déficiente. Les
policières et les policiers manquent de toute évidence d'outils et
de compétences pour intervenir auprès des personnes qui souffrent
de problèmes de santé mentale : Farshad Mohammadi et
Jean-François Nadreau auraient pu en témoigner. Le manque de
jugement des soit-disant agents de la paix dans leurs interventions
auprès des minorités racisées ou marginalisées aura aussi coûté
la vie à Freddy Villanueva et Mohammed Anas Bennis.
Le cœur du problème demeure toutefois
l'absence de conséquences en cas d'abus de pouvoir et de violence
illégitime.
Selon les statistiques du commissaire à
la déontologie policière, les deux tiers des plaintes sont rejetés
après étude du comité. La moitié environ des dossiers sont clos
dès l'examen préliminaire et moins de 10 % des plaintes
retenues font l'objet d'une enquête du commissaire. Les statistiques sur les enquêtes indépendantes, ordonnées par le ministre de la
Sécurité publique lorsqu’un décès ou des blessures graves
surviennent à la suite d’une intervention policière, ne sont
guère plus encourageantes. Leur taux de résolution inférieur à
1 %, soit 75 fois moins que le taux de résolution des enquêtes
pour homicide au Canada en 2010. La création annoncée d'un bureau
des enquêtes indépendantes n'y changera pas grand-chose. Dans les
cas de bavures policières documentés en Ontario, l'unité des enquêtes spéciales affiche un taux de résolution de... 2,6 %.
Un chose est certaine, tant que l'on
condamnera plus sévèrement la violence des « casseurs » que celle
des « forces de l'ordre », il y aura d'autres 15 mars.